PRATIQUES ET EFFETS DE LA JUSTICE RESTAURATIVE EN FRANCE
Paru le 11 juillet 2024
Pratiques et effets de la justice restaurative en France, un nouveau rapport de recherche sur la justice réparatrice
Delphine Griveaud et Sandrine Lefranc ont codirigé une recherche sur la justice restaurative en France. Publié en mai 2024, "cette recherche s’est donné pour but de comprendre et de documenter le fonctionnement de la justice restaurative en France, dans sa triple dimension de politique publique menée par le gouvernement et l’institution judiciaire, de processus mobilisant des professionnel·les et des bénévoles, et de pratiques engageant les justiciables."
Selon les autrices, "ce rapport dresse le portrait d’une justice restaurative fragile, voire fragilisée, à l’échelle nationale, mais active sur certains territoires bien délimités localement. (...) Néanmoins, le rapport donne à voir certains traits communs, dont notamment les effets systématiquement produits (au moins à court terme) sur l’estime de soi et les sociabilités des individus qui y participent, autant que sur celles des personnes qui les mettent en œuvre."
La justice réparatrice au Québec, qu'en est-il?
Au Québec, la justice réparatrice est un processus bien implanté dans le paysage sociojudicaire. La justice réparatrice offre des espaces d’écoute et d’échanges, confidentiels, sécuritaires et respectueux, à toutes les personnes concernées par un acte criminel – victimes, auteurs, témoins ou proches – ou par un conflit. Les personnes souhaitant s’engager dans une démarche de justice réparatrice et de médiation peuvent le faire à tout moment de leur vie, qu’elles aient entamé des démarches judiciaires ou non.
La justice réparatrice est un processus accéssible tous, à tout moment :
- dans le cadre des programmes de déjudiciarisation ou de non-judiciarisation, autorisés par le ministère de la Justice et le ministère de la Santé et des Services Sociaux, tels que le Programme de mesures de rechange général (PMRG) ou la Loi sur le systèeme de justice pénale pour adolescents (LSJPA).
- en dehors des tribunaux grâce aux services de médiation citoyenne et de médiation spécialisée.
Plusieurs rapports de recherche font état de l'efficacité de la justice réparatrice au Québec lorsque celle-ci est bien développée et encadrée :
Quels liens entre justice réparatrice et réinsertion sociale ?
Quels liens entre justice réparatrice et réinsertion sociale ?, Catherine Rossi, Julie Desrosiers, Alexandre Béland Ouellette, Laurence Marceau, Xavier Lyonnais and Vicky Brassard, dans Criminologie, Vol. 54, No. 2, La réinsertion sociale: construction d’un objet de recherche (Automne 2021), pp. 39-64 (26 pages)
RÉSUMÉ • Le programme de mesures de rechange pour adultes en matière criminelle a été implanté au Québec en septembre 2017. Notre équipe de recherche a été mandatée pour le documenter et l’évaluer. Cet article présente des résultats d’une partie du volet qualitatif de la recherche, celui impliquant des accusés qui ont bénéficié du programme durant sa phase pilote, de septembre 2017 à mars 2019. Les résultats, en démontrant un retour manifeste du sentiment de confiance en la justice, rendent néanmoins plus diffus les enjeux qui concernent les rapports entre interventions pénales et réparatrices en matière de réinsertion sociale.
"Le programme de mesures de rechange québécois est-il en train de démontrer une pénalisation du social, ou au contraire une socialisation du pénal? Et si oui, comment y contribue cet étrange pouvoir qu’est celui de la justice réparatrice ? (...) Les résultats indiquent une reprise de confiance des accusés dans la justice, et un désir net de s’engager dans la réparation. Cependant, cet effet ne serait pas généré par une étape particulière (la présence ou l’absence d’un acteur professionnel ou d’une procédure). Il ne serait pas non plus dû à un type de mesure en particulier (remboursement, initiative ou travail, quelle que soit son ampleur) ni généré par l’issue du programme (l’expectative d’un rejet des poursuites). L’effet réparateur du programme proviendrait de son ton général, de l’approche employée, qui est incarnée autant par le rôle des professionnels que par l’inflexion des étapes proposées."
La justice réparatrice en matière de violence sexuelles, Laurence Marceau.
RÉSUMÉ • L’objectif de cette étude est d’approfondir la compréhension de l’expérience telle que vécue par les personnes victimes et les personnes auteures ayant fait appel aux services de dialogue en justice réparatrice dispensés par les membres Équijustice. Plus largement, l’objectif est de produire des connaissances scientifiques et sociales et de proposer des pistes de réflexion et d’action à l’intention de tous∙tes les acteurs∙ices impliqué∙e∙s de près ou de loin dans les milieux pratiques et théoriques liés à la problématique des violences sexuelles, et surtout, toutes les personnes victimes, survivantes, auteures et proches, qui se questionnent sur le déploiement de la justice réparatrice.
"La réponse à la problématique d’envergure que sont les violences sexuelles se doit d’être plurielle et diversifiée et donc d’inclure une réponse en justice réparatrice pour le simple fait qu’elle est recherchée par certaines personnes. Cela dit, la réponse réparatrice se doit d’être offerte dans la reconnaissance de sa complexité et de la pluralité des personnes impliquées. Il est indispensable de continuer de s’y intéresser, de s’informer, et de poursuivre la production et la diffusion des connaissances liées aux pratiques et à l’expérience telle que vécue par les personnes impliquées."
Justice réparatrice en matière de violence conjugale : enjeux et recommandations
Le 18 juin 2024, le Conseil du statut de la femme a fait paraitre un important rapport sur la "Justice réparatrice en matière de violence conjugale" dans lequel il émet un avis favorable
« (…) à l’idée qu’une démarche de justice réparatrice puisse être entreprise par certaines femmes qui ont vécu de la violence conjugale, dans la mesure où les conditions suivantes sont réunies pour assurer leur sécurité : 1) le moment est opportun, c’est-à-dire que la dynamique de violence et de contrôle a cessé depuis longtemps, que l’auteur a été accompagné pour reconnaître sa responsabilité et que la victime est prête à entreprendre pareille démarche; 2) la motivation est libre, c’est-à-dire qu’elle est exempte de menaces et de rapports de pouvoir; 3) l’information sur les risques leur est communiquée; 4) l’accompagnement et la préparation de la personne victime sont spécialisés et centrés sur son bien-être. »