Parler des violences intimes à l’ère des algorithmes : modération ou prolongation du tabou ?
Paru le 19 novembre 2025
Sur les réseaux sociaux, parler des violences sexuelles peut vous faire disparaître. Modération ou censure? Qui protège-t-on en supprimant ces mots : les personnes victimes ou le confort collectif ?
Quand la parole disparaît derrière l’écran
Sur les réseaux sociaux, parler des violences sexuelles peut vous faire disparaître. Les mots « viol », « abus », « inceste » sont souvent censurés par les algorithmes, sous prétexte de protéger les personnes mineures ou de modérer les contenus sensibles. Mais cette modération soulève une question dérangeante : protège-t-on vraiment les personnes vulnérables… ou prolonge-t-on le silence qui entoure ces violences ?
Dans une tribune publiée par Le Devoir, Mathilde Wahrheit dénonce ce paradoxe numérique : en invisibilisant les mots, on invisibilise aussi les personnes victimes et on perpétue le tabou qui nourrit l’impunité.
Protéger ou invisibiliser ?
Les plateformes affirment vouloir éviter l’exposition des mineurs à des contenus choquants. Mais en réalité, cette logique algorithmique empêche les associations, les personnes survivantes et les professionnels de nommer les violences. Or, nommer, c’est agir. Sans mots, pas de sensibilisation, pas de prévention, pas de reconnaissance.
Pendant les 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, il est crucial de rappeler que la parole est la première arme contre la violence. La cacher, c’est la prolonger.
Nommer pour prévenir
Plusieurs ressources démontrent qu’il est possible et important de parler de consentement dès l’enfance. Avec des mots simples (« Mon corps m’appartient », « Personne n’a le droit de me toucher sans mon accord »), on donne aux enfants des outils pour se protéger. Cette pédagogie prouve qu’on peut conjuguer protection et parole.
Le programme Talk PANTS de la NSPCC recommande d’utiliser les noms corrects des parties du corps pour aider les enfants à comprendre que leur corps leur appartient et qu’ils peuvent dire non. Cela renforce leur capacité à parler si quelque chose les met mal à l’aise.
Les recherches indiquent que l’usage de termes anatomiques précis augmente la crédibilité perçue des témoignages d’enfants et réduit les zones grises interprétatives. Ces travaux sont cités dans des articles académiques sur ResearchGate concernant la terminologie anatomique et ses implications en communication médicale.
Les ressources de prévention de Nationwide Children insistent sur le fait que nommer les parties anatomiques peut mettre mal à l’aise un agresseur, car cela brise le langage enfantin qui banalise ou normalise les gestes. Cette approche est couramment recommandée dans leurs guides de prévention des abus. site officiel : https://www.nationwidechildrens.org.
Créer des espaces où la parole compte
Au Québec, Équijustice propose un service de médiation spécialisée pour les situations de violences sexuelles, y compris l’inceste, lorsque les conditions de sécurité et de consentement sont réunies. Cette démarche volontaire et encadrée permet aux personnes victimes de violences intimes de nommer, aux auteurs d’entendre, et à la société de reconnaître. Parce en matière de justice, ce qui compte, c’est d’offrir des options pour chaque personne, en respectant sa réalité, son rythme et ses attentes.
Briser le silence, en ligne et hors ligne
Les algorithmes ne doivent pas devenir des murs. La lutte contre les violences sexuelles exige des mots, des espaces, des voix. Pendant ces 16 jours, rappelons-le : la parole est la première arme contre la violence. Et chaque fois qu’on la censure, on prolonge l’injustice.
💡 Pour en savoir plus sur la médiation spécialisée d’Équijustice : Médiation citoyenne et spécialisée - Équijustice