La justice réparatrice est-elle adaptée aux violences sexuelles ?
Paru le 28 mai 2025
Marie-Eve Lamoureux et Estelle Zinsstag étaient les invitées d'Antoine Garapon lors de la dernière émission d'Esprit de Justice, présentée sur France Culture le 21 mai 2025.
Esprit de Justice : La justice restaurative est-elle adaptée aux violences sexuelles ?
Face aux limites de la justice pénale pour les victimes de violences sexuelles, la justice restaurative offre une autre voie. Mais à quelles conditions peut-elle répondre aux attentes des victimes sans minimiser les faits ni faire peser sur elles la charge du processus ?
Le mouvement #MeToo a permis une prise de conscience salutaire de la prévalence des violences sexuelles et sexistes, qualifiées par certaines « violence de genre » car 80% des victimes sont des femmes et qu’une femme sur trois est au cours de sa vie victime d’une forme de cette violence de genre. Ajoutons que 80% d’entre elles connaissent leur agresseur mais que néanmoins très peu portent plainte et qu’encore moins voient leur agresseur condamné. La voie pénale est ardue pour elles, et elle peut donner lieu à une re-victimisation comme l’a montré le récent procès mettant en cause Gérard Depardieu. Mais beaucoup de réticences sont exprimées à l’égard des voies alternatives, on pense notamment à la médiation ou la justice restaurative. Lorsque les agresseurs sont déjà condamnés la justice restaurative permet d'apporter certaines réponses, Marie-Eve Lamoureux nous explique :
"Le fait qu'un dialogue puisse être offert entre un auteur d'infraction et une personne victime répond à des attentes. Il y a certaines victimes qui souhaitent redonner à la personne qui a commis le crime les répercussions de leur geste. Elles veulent venir se fâcher, venir mettre de la colère parfois dans une conversation, venir chercher une fin de relation en disant « tu n'es plus mon père, mon oncle », ou au contraire, j'ai envie que suite à tout ça, il y ait une place qui te revient dans la famille, tu demeures le père des enfants. Il y a donc autant d'attentes qu'il y a de personnes qui cherchent et la justice réparatrice va être une offre de justice, un espace de justice qui est vraiment sur mesure face à ce que les gens recherchent".
Pour instruire ce débat entre les partisans d’une exclusivité de la justice pénale dans ce type d’affaire et ceux qui pensent que d’autres voies pourraient enrichir la réponse pénale, "Esprit de justice" propose d’aller regarder la pratique d’autres pays – qui sont très diverses et qui se concentrent principalement en Europe du Nord ou au Québec. Estelle Zinsstag ajoute :
"Je reviens d'Estonie, il y a là-bas une forte volonté de développer la justice restaurative. Les professionnels de justice s'intéressent au travail avec les victimes et avec les auteurs de crime. Ils insistent aussi sur l'importance des formations en justice restaurative pour pouvoir mieux informer les personnes avec lesquelles ils travaillent. Par exemple, dans le cursus de première année de la formation des futurs policiers il a quelques heures prévues sur la justice restaurative, et c'est crucial".
Il faut être pragmatique et « coller » au plus près des attentes des intéressées elles-mêmes et faire le plus d’évaluations fines de tous ces programmes. L’objectif est en effet de se concentrer sur les victimes. En réalité, elles ne veulent pas que l’on décide à leur place. Il se dégage un consensus pour qu’on leur laisse le choix de la voie et du type de justice qu’elles veulent.
Qu'est ce que la justice réparatrice?
La justice réparatrice propose une approche centrée sur la réparation des torts et le dialogue. Contrairement à la justice pénale, elle ne vise pas la sanction, mais plutôt la reconnaissance des torts, l’écoute des besoins des personnes touchées par la situation, et la recherche de solutions concrètes pour réparer les préjudices causés.
Au Québec, Équijustice est un acteur majeur de cette approche. Son réseau offre des services de justice réparatrice et de médiation entre personnes victimes et personnes auteures, lorsque les conditions sont réunies et que les deux parties y consentent librement.
Est-ce possible après une agression sexuelle?
La justice réparatrice peut être offerte dans les cas d’agressions à caractère sexuel, mais seulement avec le consentement éclairé des personnes concernées, et dans un cadre sécuritaire. Elle ne remplace pas la justice pénale, mais peut offrir une option de justice plus humaine pour les personnes victimes qui le souhaitent.
Dans ce type de démarche :
- La personne victime peut exprimer son vécu, ses questions, ses besoins.
- La personne auteure est amenée à entendre les impacts de ses actes, et à dialoguer sur la situation.
- Des médiateurs et médiatrices formées accompagnent les personnes dans chaque étape pour garantir la sécurité émotionnelle et physique de chacun·e.
Obtenir des services de justice réparatrice et de médiation spécialisée à Équijustice
Équijustice offre un service de dialogue, la médiation spécialisée, pour les personnes victimes, les auteurs et les témoins de violences sexuelles et autres crimes graves contre la personne tels que
- inceste,
- agressions sexuelles,
- violence conjugale et physique,
- maltraitance et abus sur des personnes adultes et aînées,
- homicide et tentative de meurtre,
- Harcèlement criminel,
- Toute autre situation criminelle grave contre la personne.
La médiation spécialisée peut être envisagée :
- à tout moment de la vie d’une personne,
- qu’il ait eu une plainte ou non,
- entre les personnes directement liées par les actes (personnes victimes, proches et agresseurs concernés)
- ou avec des personnes de substitution pour des actes apparentés.