Justice réparatrice et déjudiciarisation
Paru le 15 juillet 2024
Depuis les années 60, plusieurs processus de déjudiciarisation voient le jour. Qu’est-ce que la déjudiciarisation? Quelle forme prend-elle concrètement? Quels liens avec la justice réparatrice?
La déjudiciarisation, c’est quoi?
La déjudiciarisation est le « fait, pour la loi, de privilégier le dialogue entre les deux parties dans certains litiges (divorce, par exemple), plutôt que de recourir à la justice. (La déjudiciarisation s’inscrit dans une volonté de désengorger les tribunaux et d’accélérer le règlement des litiges.) » Larousse.
La déjudiciarisation « comprend tout un train de mesures et de programmes antérieurs au procès, appliqués, en remplacement de la procédure judiciaire officielle, aux personnes qui ont des démêlés avec la justice. » Bureau de traduction des Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada.
Au Québec, les programmes de déjudiciarisation ou de non-judiciarisation, autorisés par le ministère de la Justice et le ministère de la Santé et des Services Sociaux, offrent la possibilité aux personnes ayant commis certaines infractions d’accomplir des mesures de rechange et d’éviter des procédures pénales. Ces programmes permettent aux contrevenants de réparer les torts qu’ils ont causés en donnant aux personnes concernées – délinquant, personne victime, les proches et la collectivité – la possibilité de s’impliquer dans une démarche de réparation et d’exprimer leurs attentes respectives.
Le Programme de mesures de rechange général pour adultes de la Cour du Québec et des cours municipales (PMRG) prévoit, pour certaines infractions, la possibilité pour les adultes de recourir à des mesures de rechange plutôt qu’aux procédures judiciaires traditionnelles.
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents (LSJPA) définit le cadre d’intervention extrajudiciaire et judiciaire à suivre à l’égard des adolescents âgés de 12 à 17 ans ayant commis une infraction au Code criminel et à d’autres lois fédérales.
Décriminalisation et déjudiciarisation: quelle est la distinction? L’exemple de la possession simple de drogue.
La possession simple de drogue au Québec a été déjudiciarisée par le gouvernement Legault en avril 2023. Me Louis Letellier de Saint-Just, avocat en droit de la santé et président de l’association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ), explique la distinction entre décriminalisation et déjudiciarisation, à l'émission de Louis Lacroix sur les ondes de 98.5fm
Dans ce contexte, la possession simple concerne une consommation et une possession de drogues pour un usage personnel. Il s’agit donc davantage d’un enjeu de santé que d’un enjeu judiciaire ou criminel.
"Si on déjudiciarise, l’infraction demeure au code criminel, on ne l'a pas retirée (…) Par contre, c'est une autre approche où l'on regarde si, dans un contexte comme celui-là, on aura la possibilité de porter plainte ou de dénoncer pour qu'il y ait une procédure judiciaire ou bien si on va diriger la personne vers des ressources de santé, des ressources communautaires. Donc c'est une tout autre approche dans un contexte où il faut le rappeler, on vit une crise nationale des opioïdes au Québec (…) et une sur judiciarisation, mais surtout un emprisonnement massif de certaines communautés canadiennes. (...) L'application de cette déjudiciarisation existe, il y a des organisations comme Équijustice qui ont une responsabilité. Ils le font bien, mais en même temps, il faut les aider à aller vers des mesures alternatives, parce que c'est ça la déjudiciarisation : permettre des mesures alternatives à une peine d'emprisonnement."
Justice réparatrice et programmes de déjudiciarisation
Équijustice est impliqué dans l’accompagnement et la réalisation des mesures de rechange prévues par le PMRG et la LSJPA. À Équijustice, nous croyons que chaque personne a le potentiel de participer à réparer les torts causés et à rééquilibrer la relation entre les personnes concernées par un acte criminel. Nous accompagnons toutes les personnes concernées par le crime -contrevenant, proches, personnes victimes, de même que la collectivité- dans le processus de réparation qui a été choisi.
La justice réparatrice est une approche sociojudiciaire qui se concentre sur la réparation des conséquences causées par un crime ou un conflit, plutôt que de punir la personne contrevenante. Amener les personnes à s’inscrire dans un processus de réparation constitue une étape importante et elle doit se faire dans le respect des droits et des différences de chacun.
La justice réparatrice permet donc d’adopter une nouvelle posture face aux personnes concernées par une infraction, un crime ou même un conflit. Là où le système pénal agit sur la prévention de la récidive et favorise la transformation ou la réhabilitation des personnes, la justice réparatrice propose d’examiner les conséquences d’une situation criminelle, de favoriser la reprise du pouvoir des personnes concernées sur les événements par leur participation active et la quête de sens. Un tel postulat est un puissant vecteur de transformation sociale puisqu’il met l’humain au cœur de sa réflexion, considère le vécu des personnes comme le point de départ d’un processus coconstruit avec le soutien des médiateurs et médiatrices, offre une expérience de justice personnalisée et singulière.
Nous contribuons à de meilleures relations entre les personnes concernées par une infraction. C’est ce qui symbolise notre vision d’une justice réparatrice, humaine et équitable.